Une Afrique libre, pour un monde équitable

Une Afrique libre, pour un monde équitable

2 juillet 2025

Soixante ans après les indépendances politiques de nombreux pays africains, le continent reste en quête de sa pleine souveraineté. Si les constitutions sont en place, si les drapeaux ont changé, l’influence étrangère demeure forte, quoique plus subtile. Ce phénomène, qualifié de néocolonialisme, se manifeste à travers les mécanismes économiques, monétaires, culturels ou géopolitiques qui maintiennent certains pays africains dans une forme de dépendance. Dès lors, comment bâtir un monde plus juste si une grande partie de l’humanité n’a pas encore conquis la maîtrise de son propre destin ?Le constat est clair : l’Afrique demeure insérée dans une logique économique mondiale qui la cantonne trop souvent au rôle de fournisseur de  matières premières. L’exportation de ressources naturelles — pétrole, or, cacao, coton, minerais stratégiques — profite encore principalement à des entreprises étrangères. Le continent peine à capter la valeur ajoutée, faute d’infrastructures industrielles suffisantes et de politiques économiques cohérentes à long terme. Parallèlement, les accords commerciaux et la dette extérieure, souvent contractée dans des conditions désavantageuses, réduisent les marges de manœuvre des États.

À cela s’ajoute la question monétaire. Dans 14 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, le franc CFA, arrimé à l’euro et géré en partie par le Trésor français, continue de susciter débats et critiques. Bien que des réformes aient été annoncées, le sujet demeure sensible, tant il touche à la souveraineté économique. De manière plus générale, de nombreuses structures étatiques restent marquées par l’héritage colonial dans leur organisation, leur fonctionnement et même dans les systèmes éducatifs qui valorisent encore trop souvent les modèles occidentaux.

Mais cette dépendance n’est pas une fatalité. Le continent dispose d’atouts majeurs : une population jeune, une dynamique entrepreneuriale en plein essor, des ressources naturelles abondantes et une culture riche, diverse, profondément résiliente. Pour transformer ces potentiels en leviers d’autonomie réelle, plusieurs priorités se dessinent. La première est économique. Il s’agit de renforcer les capacités de production et de transformation locales. Favoriser les filières agricoles durables, investir dans l’énergie propre, accompagner les PME et start-up, développer le numérique : autant de pistes pour ancrer le développement sur le territoire. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), lancée en 2021, représente à ce titre une avancée majeure. Elle ouvre la voie à une meilleure intégration économique du continent et à une autonomie accrue vis-à-vis des marchés extérieurs. Deuxième priorité : l’éducation. Une jeunesse éduquée, formée, critique et consciente de son histoire est la meilleure garantie d’un avenir souverain. Il est essentiel de réformer les programmes scolaires pour qu’ils valorisent les langues et savoirs locaux, enseignent l’histoire africaine de manière contextualisée, et encouragent l’innovation. L’éducation doit aussi devenir plus inclusive, notamment pour les filles, encore trop souvent exclues de l’école dans certaines régions.Troisième levier : la gouvernance. Une Afrique indépendante passe par des institutions solides, transparentes, respectueuses des droits fondamentaux. La lutte contre la corruption, l’indépendance de la justice, la participation citoyenne et la protection des journalistes sont des fondements essentiels d’une démocratie réelle. Dans plusieurs pays, la société civile se mobilise déjà avec vigueur pour exiger plus de justice et de redevabilité.

Enfin, la construction d’un monde plus juste ne se fera pas sans repenser les modèles de développement. Il ne s’agit pas simplement de « rattraper » l’Occident, mais de créer des voies nouvelles, enracinées dans les réalités africaines. Cela suppose de valoriser les cultures locales, de renforcer la solidarité entre les peuples, et de placer l’humain — et non la seule croissance — au cœur des priorités. L’Afrique a commencé ce chemin. Elle n’a pas besoin qu’on lui trace une route, mais qu’on lui laisse l’espace d’inventer la sienne. Plus juste, plus libre, plus solidaire. Et dans cette aventure, chaque citoyen, chaque femme, chaque jeune a un rôle à jouer. Un monde plus juste naîtra de notre capacité à avancer ensemble, dans le respect, la dignité, et la solidarité. Pour l’Afrique. Et au-delà.

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