La candidature de Tidjane Thiam à l’élection présidentielle de 2025 marque une étape importante dans le paysage politique ivoirien. Ancien ministre du Plan et du Développement dans les années 1990, sous la présidence d’Henri Konan Bédié, il s’est ensuite illustré à l’international à la tête d’institutions financières de premier plan, notamment Prudential au Royaume-Uni et Credit Suisse en Suisse. Cette trajectoire exceptionnelle fait de lui une figure à part dans le monde politique ivoirien, tant par son parcours que par sa vision. Son retour s’inscrit dans une volonté clairement affichée de moderniser la gouvernance du pays, de favoriser la transparence et de réconcilier une société encore marquée par des fractures profondes.
Son discours politique tranche avec celui de nombreux acteurs traditionnels. Il ne mise pas sur les ressorts du populisme, mais sur un discours technocratique, orienté vers des solutions concrètes. Il met en avant des réformes structurelles telles que la digitalisation de l’administration publique, la modernisation des infrastructures, et la création d’un environnement propice à l’investissement. À travers cette approche, Tidjane Thiam cherche à convaincre que son expérience de gestion au plus haut niveau peut être un atout décisif pour repositionner la Côte d’Ivoire comme un acteur économique majeur en Afrique de l’Ouest. Mais au-delà des ambitions économiques, il se présente aussi comme un homme de rassemblement. Dans un pays où les divisions ethniques, politiques et régionales ont souvent été instrumentalisées, il tente de porter une parole apaisée, tournée vers l’unité nationale. Cette posture, qui séduit particulièrement les classes urbaines et les jeunes, s’appuie sur une image d’intégrité que peu de ses rivaux peuvent revendiquer avec autant de crédibilité. Sa réputation de rigueur, acquise dans les milieux de la finance internationale, contraste avec celle de nombreux responsables politiques ivoiriens, régulièrement éclaboussés par des affaires de mauvaise gouvernance ou de clientélisme. Cependant, la route vers la présidence reste semée d’embûches. Le principal défi de Tidjane Thiam réside dans son manque d’ancrage territorial. Après plus de vingt ans passés à l’étranger, il doit combler un déficit de proximité avec les réalités locales, en particulier dans les zones rurales, qui pèsent lourd dans les équilibres électoraux. Dans ces régions, les dynamiques politiques reposent souvent sur des réseaux d’influence traditionnels et sur la loyauté à des figures locales bien implantées. Pour espérer l’emporter, il devra donc étendre sa base de soutien au-delà des centres urbains et des élites économiques qui lui sont naturellement acquises. En outre, il devra faire face à une machine politique redoutable : celle du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), au pouvoir depuis plus d’une décennie. Même si le président Alassane Ouattara ne brigue pas un nouveau mandat, le candidat adoubé par le RHDP partira avec un avantage considérable en termes de ressources, d’organisation et de maillage territorial. La question des alliances politiques sera donc déterminante pour Tidjane Thiam, qui devra non seulement fédérer les soutiens au sein du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dont il est désormais le président, mais aussi séduire des personnalités d’autres sensibilités prêtes à rejoindre sa vision.
Sa candidature, en dépit des incertitudes qu’elle comporte, introduit une dynamique nouvelle dans la politique ivoirienne. Elle réactive un espoir, celui d’une gouvernance moins clivante, plus transparente, et centrée sur l’efficacité. Elle attire aussi l’attention sur l’aspiration croissante d’une partie de l’électorat, notamment la jeunesse, à voir émerger une nouvelle génération de leaders, plus proches des standards internationaux de gestion publique et de responsabilité. L’élection présidentielle de 2025 sera donc un moment de vérité, à la fois pour Tidjane Thiam et pour la démocratie ivoirienne. Son parcours exceptionnel, sa stature internationale et son programme cohérent font de lui un candidat sérieux, bien que non favori. Quelle que soit l’issue du scrutin, sa participation contribuera à élever le niveau du débat politique et à poser les jalons d’un renouveau possible dans la manière de gouverner. Son succès ou son échec dira beaucoup sur la capacité du pays à se projeter vers l’avenir en dépassant les vieux clivages et en donnant leur chance à des voix nouvelles.
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