Le départ massif des jeunes Africains vers l’étranger n’est pas un simple phénomène migratoire : c’est le symptôme alarmant d’un profond malaise. Il traduit un manque cruel de perspectives locales, une perte de confiance envers les institutions, et surtout, l’incapacité persistante des gouvernements à répondre aux besoins fondamentaux de leurs populations. Certes, des efforts sont faits : des infrastructures sortent de terre, des programmes sociaux sont lancés, des partenariats internationaux sont noués. Mais ces actions, souvent mal coordonnées, restent insuffisantes, inégalement réparties, et trop rarement efficaces.

L’un des maux les plus criants est l’inégalité entre les zones urbaines et rurales. Les grandes métropoles captent l’essentiel des investissements, tandis que les campagnes — où vit pourtant une majorité de la population — sont négligées. Routes impraticables, accès erratique à l’électricité, services de santé et d’éducation défaillants : l’exode des jeunes vers les villes saturées ou vers l’Europe devient une question de survie. Et pourtant, les régions rurales regorgent de potentiel. Une agriculture modernisée et soutenue par des politiques publiques ambitieuses pourrait nourrir le continent et générer des millions d’emplois. Mais les petits exploitants restent sans soutien, les coopératives sont trop rares, et les circuits de distribution souvent dominés par des intermédiaires qui accaparent les bénéfices. Tant qu’une véritable stratégie de développement rural n’est pas mise en œuvre, cet exode ne cessera de s’aggraver.

L’Afrique ne manque ni de richesses naturelles, ni de talents, ni de créativité. Ce qui fait défaut, c’est une gestion rigoureuse et transparente de ces ressources. Les fonds publics sont trop souvent dilapidés ou détournés, et l’aide internationale se perd dans des circuits opaques. Les infrastructures, parfois construites à grands frais, sont laissées à l’abandon faute de maintenance. Quant aux formations professionnelles, elles peinent à s’aligner sur les besoins réels du marché. Le secteur numérique en est un exemple frappant. Malgré une révolution technologique en cours, avec l’émergence de startups innovantes et un taux de pénétration mobile élevé, cette dynamique reste cantonnée aux grandes villes. Dans les zones rurales, l’accès au haut débit est un luxe, et les jeunes porteurs d’idées n’ont ni les outils ni les opportunités pour les concrétiser. Les gouvernements africains annoncent des plans, enchaînent les conférences et multiplient les engagements. Mais sans continuité, ni cohérence. Les politiques changent au rythme des alternances, les projets sont lancés puis abandonnés, et les réformes nécessaires sans cesse repoussées. Cette instabilité chronique décourage les investisseurs et érode la confiance des citoyens. Pourtant, des solutions existent. Une meilleure gouvernance, une décentralisation effective, une inclusion réelle des jeunes dans les décisions politiques et économiques : autant de leviers capables de transformer durablement le continent. Mais cela exige une rupture radicale avec les pratiques actuelles : moins de promesses, plus d’actes ; moins de projets vitrine, plus de stratégies pérennes. Le temps presse. Si les gouvernements africains ne prennent pas des mesures fortes, rapides et structurantes, la fuite des talents continuera d’appauvrir le continent. L’Afrique dispose des moyens de sa prospérité. Ce qu’il lui faut désormais, ce sont des dirigeants visionnaires, courageux, et profondément convaincus du potentiel de leur jeunesse et de leurs territoires.

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