Sénégal : quel bilan pour Diomaye Faye ?

Sénégal : quel bilan pour Diomaye Faye ?

14 mai 2025

Le 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye créait la surprise en remportant l’élection présidentielle sénégalaise dès le premier tour. Tout juste libéré de prison, ce proche d’Ousmane Sonko incarnait l’élan d’un électorat jeune et en quête de rupture, galvanisé par les combats du parti Pastef. Un an plus tard, les projecteurs se braquent sur les promesses du changement : que reste-t-il de l’enthousiasme suscité par l’arrivée au pouvoir du plus jeune président de l’histoire du Sénégal ? Malgré une campagne marquée par les tensions et les arrestations, la transition avec Macky Sall s’est déroulée sans heurts. Cette alternance pacifique a été saluée dans une région ouest-africaine fragilisée par les coups d’État. Très vite, Diomaye Faye a imprimé sa marque : ton mesuré, refus du protocole, réduction des dépenses publiques… Des gestes forts, qui ont alimenté l’espoir d’une gouvernance nouvelle, plus sobre et plus proche des citoyens. La première année du mandat de Bassirou Diomaye Faye a été marquée par des gestes forts en matière de transparence et de gouvernance. Baisse du train de vie de l’État, lancement d’audits sur les contrats pétroliers et gaziers, lutte affichée contre la corruption : le chef de l’État a tenté d’installer un nouveau style, plus sobre et plus éthique. Mais rapidement, les réalités du pouvoir ont freiné l’élan initial. Entre l’inexpérience de certains membres de l’exécutif, la technicité des dossiers économiques et une administration encore largement héritée de l’ancien régime, la mise en œuvre des réformes s’est révélée plus lente que prévu.

Sur le plan économique, les attentes sont particulièrement élevées. Le président avait promis plus de souveraineté sur les ressources naturelles, une meilleure redistribution des richesses, et une reprise en main de l’économie par les Sénégalais eux-mêmes. Si les audits des contrats énergétiques sont bien engagés, ils n’ont pas encore débouché sur des renégociations concrètes. Quant à la question hautement symbolique du franc CFA, elle reste pour l’instant sans suite tangible. Très critiqué par le tandem Sonko–Diomaye durant la campagne, le maintien de cette monnaie, perçue par beaucoup comme un vestige du passé colonial, continue d’alimenter frustrations et débats dans l’opinion. Le président a évoqué une possible sortie « en concertation avec les partenaires régionaux », mais aucun calendrier clair n’a été communiqué. Pour de nombreux Sénégalais, cette prudence contraste avec le discours de rupture brandi lors de l’élection.

Dans un contexte de forte inflation, les Sénégalais attendent surtout une baisse du coût de la vie, des créations d’emplois et des services publics plus efficaces. Le gouvernement a lancé plusieurs consultations, mais les réformes structurelles se font attendre. Sur la scène internationale, Diomaye Faye a adopté un ton plus souverainiste, notamment vis-à-vis de la France. Il affirme vouloir reconfigurer les partenariats, sans pour autant rompre les alliances stratégiques. Le Sénégal reste un pôle de stabilité en Afrique de l’Ouest, ce qui renforce son poids diplomatique. Ce rééquilibrage, s’il est bien accueilli par une partie de la population, suscite toutefois des interrogations chez certains partenaires économiques, soucieux de prévisibilité et d’engagements stables.

Un an après son arrivée au pouvoir, Diomaye Faye conserve une popularité réelle, surtout chez les jeunes et dans les zones rurales. Mais la marge de manœuvre est étroite. Le président est attendu sur des résultats concrets. Sans avancées visibles d’ici à 2026, l’euphorie du changement pourrait laisser place à une désillusion sociale et politique. La force de son mandat réside encore dans l’élan citoyen qui l’a porté au pouvoir. S’il parvient à capitaliser sur cette énergie pour faire aboutir ses réformes, il pourrait inscrire son action dans la durée. Dans le cas contraire, la « nouvelle ère » risque de s’essouffler prématurément.

Retrouvez l’ensemble de nos articles Décryptage

Recommandé pour vous

Décryptage

Zimbabwe : entre justice historique et chaos économique

À l’aube de son indépendance en 1980, le Zimbabwe portait l’espoir d’une t…
Décryptage

L’or africain en question

Symbole de richesse et de stabilité, l’or représente une ressource stratégique p…
Décryptage

La télémédecine en Afrique

Dans un continent où l’accès aux soins de santé reste un défi majeur pour des mi…