Symbole de richesse et de stabilité, l’or représente une ressource stratégique pour de nombreux pays africains. Pourtant, entre exploitation artisanale non régulée, dépendance aux cours mondiaux et influence des politiques internationales, cette richesse reste sous influence. À l’heure des transitions économiques, l’enjeu est clair : transformer ce potentiel en moteur durable de développement, au service des populations.
L’Afrique, continent aux mille contrastes, recèle dans son sous-sol une richesse convoitée depuis des siècles : l’or. Métal précieux par excellence, symbole universel de puissance et de stabilité financière, il représente bien plus qu’une simple ressource pour les pays africains. À la fois espoir de développement et reflet de nombreuses fragilités structurelles, l’or cristallise les enjeux économiques, géopolitiques et environnementaux du continent. Avec environ 40 % des réserves aurifères mondiales connues, l’Afrique devrait théoriquement occuper une position dominante dans la filière mondiale. Pourtant, la réalité est bien plus contrastée. Entre dépendance économique, exploitation artisanale non régulée et influence des marchés internationaux, le chemin vers une valorisation durable de cette ressource reste semé d’embûches.
Dans plusieurs pays africains, l’or constitue un pilier majeur de l’économie. Au Ghana, qui a récemment dépassé l’Afrique du Sud en tant que premier producteur d’or du continent, ce métal précieux représente une part essentielle des exportations. Au Mali, l’or constitue jusqu’à 75 % des recettes d’exportation, ce qui rend l’économie particulièrement sensible aux variations du cours mondial. En Tanzanie et au Burkina Faso, l’exploitation aurifère est également au cœur des politiques économiques. Ces pays tirent des devises étrangères de la vente d’or, engrangent des recettes fiscales et attirent des investissements miniers. Toutefois, cette manne financière reste fragile : elle dépend fortement des cours internationaux, eux-mêmes influencés par des facteurs exogènes comme les crises financières mondiales, les tensions géopolitiques ou encore les décisions monétaires des grandes puissances.
Malgré son potentiel, le secteur aurifère africain souffre de nombreuses failles. L’une des plus criantes est la prédominance de l’exploitation artisanale et informelle. Dans de nombreux pays, des milliers de mineurs – souvent sans encadrement, sans protection, et dans des conditions proches de l’esclavage moderne – creusent à mains nues pour extraire quelques grammes d’or. Ce phénomène pose des défis majeurs, tant sur le plan social, avec l’exploitation d’enfants et l’absence de droits pour les travailleurs, que sur le plan environnemental. L’usage incontrôlé du mercure, substance hautement toxique utilisée pour séparer l’or du minerai, pollue durablement les sols et les rivières, menaçant les écosystèmes et la santé des populations. Face à cette situation, la formalisation du secteur apparaît comme un impératif. Encourager les filières légales, offrir des formations, garantir des conditions de travail décentes et protéger l’environnement sont autant d’objectifs que plusieurs gouvernements commencent à intégrer à leurs politiques publiques. Mais les progrès restent inégaux, freinés par le manque de moyens, la corruption ou les conflits armés dans certaines régions minières. Le marché de l’or, bien que physiquement ancré en Afrique, reste largement dicté par des décisions prises ailleurs. À titre d’exemple, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine sous l’administration Trump ont fait grimper le prix de l’or, perçu comme une valeur refuge en période d’incertitude. Les pays africains exportateurs en ont momentanément profité, mais cet avantage reste circonstanciel, et met en lumière leur vulnérabilité structurelle face à des dynamiques extérieures qu’ils ne maîtrisent pas. Cette dépendance aux marchés mondiaux renforce l’urgence d’une diversification économique et d’une montée en gamme. Certains pays l’ont bien compris. Le Ghana, par exemple, tente de développer des capacités locales de raffinage et de transformation, afin de ne plus se contenter d’exporter du minerai brut. Ce virage pourrait générer davantage d’emplois, capter une plus grande part de la valeur ajoutée, et renforcer la résilience économique.
L’or africain symbolise à la fois l’opportunité et la contradiction. Il est une ressource porteuse de promesses, mais dont les bénéfices restent souvent concentrés entre les mains d’acteurs étrangers ou d’élites locales. Pour transformer cette richesse en véritable moteur de développement, les pays producteurs devront relever plusieurs défis : améliorer la gouvernance minière, renforcer la transparence, investir dans la transformation locale et mettre en place des politiques inclusives. À l’heure où la transition énergétique redessine les priorités mondiales et où la souveraineté économique redevient une question centrale, l’or pourrait redevenir un levier stratégique pour l’Afrique. Mais à condition de penser son exploitation dans une logique de long terme, éthique et inclusive.
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