Les battantes aux cheveux d’argent

Les battantes aux cheveux d’argent

28 avril 2025

Elles foulent les terrains en baskets, sourire aux lèvres, sous un soleil éclatant. À plus de 60, parfois 70 ans passés, elles dribblent, courent, marquent des buts. En Afrique du Sud, la Coupe du monde des Mamies n’est pas une plaisanterie : c’est un événement sérieux, joyeux, et surtout profondément symbolique. Car ici, le football n’est pas seulement un jeu ; il devient un outil d’émancipation, de cohésion sociale et de transformation du regard sur l’âge.

Tout a commencé au début des années 2000, dans les campagnes sud-africaines, loin des stades ultra-modernes. Quelques femmes âgées, conscientes des effets dévastateurs de l’isolement et de l’inactivité, ont décidé de se retrouver pour pratiquer une activité physique. Naturellement, elles ont choisi le football, sport-roi dans le pays. Encouragées par des associations locales de santé et de développement communautaire, ces rassemblements spontanés ont peu à peu pris de l’ampleur, formant des équipes informelles, puis des ligues structurées. C’est ainsi que la Coupe du monde des Mamies a vu le jour, devenant un rendez-vous attendu dans plusieurs provinces sud-africaines. Les équipes n’ont pas été créées par décret, mais par nécessité sociale. Dans des communautés rurales ou dans les townships marqués par la pauvreté, des femmes âgées, souvent veuves ou isolées, ont trouvé dans le football une manière de recréer du lien, de partager des moments de fraternité et de briser la solitude. Loin d’être de simples équipes sportives, ces groupes sont devenus de véritables piliers communautaires, porteurs d’un esprit d’entraide et de solidarité qui dépasse largement le cadre du jeu. En Afrique du Sud, où la fracture générationnelle et les séquelles de l’apartheid sont encore présentes, voir des grand-mères courir sur un terrain, fières et combatives, a valeur de manifeste. Le football des mamies n’est pas anodin : il redéfinit ce que signifie vieillir. Là où l’on attendait d’elles silence et effacement, elles répondent par l’énergie, la visibilité et l’exemple. En jouant, elles affirment haut et fort que l’âge ne doit pas être synonyme d’effacement social.

Au-delà de la question du sport, c’est toute la société qui est touchée. Dans les familles, les jeunes assistent avec admiration aux exploits de leurs grands-mères, souvent étonnés de voir celles qu’ils considéraient comme fragiles évoluer avec une telle agilité et une telle détermination. Ce phénomène réconcilie les générations et transmet aux plus jeunes des valeurs de persévérance, de courage et de joie de vivre. Les mamies deviennent des modèles, et pas seulement pour leurs petits-enfants. Les effets de cette initiative sont aussi sanitaires et sociaux. Pratiquer une activité physique régulière permet à ces femmes de mieux vieillir, de prévenir de nombreuses maladies chroniques, et d’entretenir leur moral. Mais au-delà des bienfaits personnels, la Coupe du monde des Mamies contribue aussi à renforcer les liens communautaires, à revitaliser les espaces publics et à changer en profondeur le regard sur le vieillissement. Elle permet de rappeler que chaque étape de la vie peut être vécue avec enthousiasme et dignité.

Dans un pays où les femmes âgées ont souvent été les piliers invisibles des familles dévastées par l’épidémie de VIH ou les ravages de l’apartheid, leur montée en puissance sur les terrains a quelque chose de profondément émouvant. Elles n’ont pas seulement survécu aux épreuves : elles en ont fait une force collective, visible et inspirante. En jouant au football, elles reprennent leur place dans l’espace public et affirment leur droit à la joie, à la santé, et à la reconnaissance. La Coupe du monde des Mamies est bien plus qu’un événement sportif atypique. C’est un symbole d’espoir, de résilience et de transformation sociale. En Afrique du Sud, ces femmes extraordinaires montrent à tous que la vieillesse n’est pas une fin, mais une autre façon de vibrer, de transmettre, et d’exister pleinement. Et peut-être, en courant après un ballon, elles nous rappellent l’essentiel : qu’il n’y a pas d’âge pour rêver, ni pour changer le monde.

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