Il y a trente ans, le Rwanda a été le théâtre d’un des événements les plus sombres de l’histoire contemporaine : le génocide des Tutsis en 1994. En l’espace de cent jours, environ 800 000 personnes, principalement des Tutsis et des Hutus modérés, ont été massacrées. Ce carnage a plongé le Rwanda dans le chaos, laissant derrière lui un pays en ruines, exsangue économiquement, et avec une population traumatisée. Malgré cette tragédie, le Rwanda est aujourd’hui cité comme exemple de résilience, ayant réussi à réduire drastiquement la pauvreté et à réconcilier son peuple, et cela sans une aide substantielle de ses anciens colonisateurs. Mais comment ce miracle rwandais a-t-il été possible ?
Lorsque le génocide a éclaté en 1994, le monde entier, y compris les puissances coloniales ayant autrefois contrôlé la région, a failli. La Belgique, ancien colonisateur du Rwanda, et la France, impliquée dans des alliances politiques avec le gouvernement de l’époque, n’ont pas su prévenir ni stopper le massacre. Les Nations Unies elles-mêmes, présentes au Rwanda, ne sont pas intervenue. Dans ce contexte de négligence internationale, le Rwanda a dû, une fois le génocide terminé, se reconstruire par ses propres moyens.
Un tournant s’est opéré avec l’arrivée au pouvoir de Paul Kagame et du Front Patriotique Rwandais (FPR). Kagame et son gouvernement ont rapidement pris conscience que le pays ne pouvait pas compter sur le soutien extérieur pour se relever. Au lieu de chercher des coupables, le gouvernement rwandais a mis en place une stratégie de développement ambitieuse, fondée sur l’autosuffisance, la réconciliation nationale et la gouvernance locale. Cela incluait une vision à long terme pour transformer l’économie et réduire la pauvreté, comme la Vision 2020, qui visait à faire du Rwanda un pays à revenu intermédiaire.
Les autorités ont aussi initié un processus de réconciliation sans précédent. Les tribunaux communautaires, ou gacaca, ont permis aux communautés locales de juger les auteurs des crimes, tout en favorisant le pardon et le dialogue. Ce processus a joué un rôle essentiel dans la réconciliation nationale, permettant de restaurer la confiance entre les citoyens. Par ailleurs, le Rwanda a réhabilité l’histoire de son identité nationale, en promouvant des valeurs de tolérance et d’unité, ce qui a permis de prévenir la résurgence des tensions ethniques et de créer une société plus pacifique.
En l’absence d’un soutien massif de ses anciens partenaires européens, le Rwanda a misé sur une stratégie d’autosuffisance et sur des réformes économiques audacieuses. Le gouvernement a encouragé les investissements étrangers, en créant un cadre juridique stable et transparent. Le pays a aussi fait de Kigali un hub pour les technologies et les services numériques, attirant ainsi des entreprises internationales et renforçant sa compétitivité régionale. Les autorités ont également mis l’accent sur le développement durable et l’agriculture pour nourrir la population tout en préservant les ressources naturelles.
L’éducation et la santé ont été des priorités absolues pour sortir la population du Rwanda de la pauvreté. Une assurance de santé universelle, accessible même aux plus pauvres a été mise en place et a permis de réduire les taux de mortalité et d’améliorer considérablement l’espérance de vie. Sur le plan éducatif, la scolarisation primaire universelle et la promotion de l’égalité des sexes dans les écoles ont permis d’améliorer l’accès à l’éducation et de créer une génération mieux formée, prête à participer au développement du pays.
Le Rwanda est aujourd’hui le pays avec le plus haut pourcentage de femmes au parlement au monde. Cette inclusion massive des femmes dans la vie politique et économique du pays est l’un des piliers de sa transformation. Les femmes, ayant subi des pertes massives pendant le génocide, ont pris un rôle central dans la reconstruction des communautés. En leur donnant des responsabilités politiques et en promouvant l’égalité des sexes, le Rwanda a réussi à tirer parti de ce potentiel souvent négligé dans d’autres pays en développement.
C’est en intégrant un devoir de mémoire comme part essentielle que le Rwanda a réussi sa reconstruction. Des mémoriaux et des journées de commémoration rappellent régulièrement à la population les dangers de la haine et des divisions ethniques. Cette conscience collective permet de prévenir le retour des violences et de construire une société plus unie, où l’on cultive une identité rwandaise avant toute appartenance ethnique.
Aujourd’hui, l’avenir du Rwanda reste en grande partie lié à la question de la succession de Paul Kagame. Avec des institutions renforcées, une population de plus en plus éduquée et des avancées en matière de gouvernance, le Rwanda est sur la voie d’une transition politique potentiellement plus stable que celle d’autres pays de la région. Ses futurs dirigeant auront-ils la capacité de préserver les acquis en renforçant le rôle des institutions. L’avenir nous le dira, mais le modèle rwandais démontre qu’un pays peut surmonter se traumatismes les plus profonds et construire son propre chemin vers la prospérité, même sans l’aide de ses anciens colonisateurs.
Pourquoi d’autres pays africains ne suivraient-ils pas ce modèle ? Ils peuvent transformer leur pays de la même manière et garantir à tous un avenir équitable tout en faisant bénéficier chaque individu de cette réussite ? Le Rwanda ne nous a-t-il pas démontré que cela est possible !
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