Photo © Romuald Ntennou
J’ai repris ce titre d’un post de mon cher ami STAN ZEZE-BAYARD. Ça fait quelques années maintenant que nous échangeons sur les problématiques de développement en Afrique et la solution est relativement simple : Il faut transformer toutes les matières premières localement.
Je vais vous prendre l’exemple d’un pays non-africain pour illustrer mes propos. Il s’agit de la Norvège. Ce petit pays d’Europe du Nord à 5,5 millions d’habitants (2020) soit à peu près l’équivalent de la population de la République du Congo (Congo Brazzaville) qui est de 5,6 millions.
La Norvège a découvert ses premiers gisements de pétrole en 1969 en mer du Nord, soit plus de 20 ans après la découverte des premiers gisements africains.
En 1972, le gouvernement norvégien créé la société Statoil connue aujourd’hui sous le nom Equinor dans laquelle l’état et les investisseurs norvégiens détiennent plus de 75% du capital. Le but de cette société est de faire l’exploration, le raffinage et la distribution des produits pétroliers. Equinor a réalisé en 2019, un bénéfice net après impôt de 8 milliards USD soit 4416 milliards de FCFA, soit plus que le budget annuel d’un pays comme le Cameroun en 2020 qui était de 4409 milliards de FCFA.
La Norvège est le 15ème producteur mondial (2019) de pétrole avec 78.4 millions de tonnes derrière le Nigéria, 1er producteur africain et 11ème producteur mondial avec 101,4 millions de tonnes. La Norvège transforme la totalité de son pétrole brut sur son territoire, c’est un pays autosuffisant en produits pétroliers et n’est pas membre de l’OPEP. Ce qui lui permet de réguler ses volumes d’exportations de pétrole selon ses propres intérêts nationaux.
En prévision de la baisse de la production de pétrole brut et pour faire profiter les générations futures de cette manne, le gouvernement norvégien décide en 1990 de créer le Government Petroleum Fund dont le but est de gérer tous les revenus pétroliers de l’état. Soit seulement 18 ans après la création Statoil (aujourd’hui Equinor) qui est le navire amiral de l’état norvégien dans le secteur pétrolier.
En 2006, le Government Petroleum Fund est transformé et devient le Government Pension Fund-Global plus connu sous le nom de « fonds souverain norvégien ». Ce fonds qui est aujourd’hui connu comme étant le plus grand fonds souverain au monde avait des actifs sous gestion de 11673 milliards de couronnes en août 2021 soit plus de 1100 milliards EUR dans plus de 9100 sociétés à travers le monde. A la même date (en août 2021), ce fonds souverain a annoncé un bénéfice net semestriel record tenez-vous biende 990 milliards de couronnes soit plus de 96 milliards EUR (62880 milliards de FCFA pour le 1er semestre 2021).
Si nous prenons le Top10 des pays africains producteurs de pétrole, nous avons le Nigéria 11ème mondial avec 101.4 millions de tonnes, Angola 16ème avec 69.1 millions, Algérie 17ème avec 64.3 millions, Lybie 18ème avec 57.8 millions, Egypte 25ème avec 33.6 millions, Congo Brazzaville 30ème avec 17.4 millions, Gabon 34ème avec 10.9 millions, Guinée Equatoriale 35ème avec 8.2 millions, Soudan du Sud 36ème avec 6.8 millions et Tchad 37ème avec 6.7 millions.
Contrairement à la Norvège, aucun de ces pays couvre ses besoins nationaux en produits pétroliers raffinés. Pire encore, aucun de ces pays raffine plus de 40% de sa production nationale de pétrole brut. Ce qui signifie que tous ces pays exportent la majorité de leur pétrole brut et importent du pétrole raffiné (Essence, Gasoil, Kérosène, etc.).
Si nous prenons le Top5 des pays européens producteurs de pétrole, nous avons la Russie 2ème mondial, Norvège 15ème, Royaume-Uni 19ème, Danemark 40ème, Italie 42ème et Roumanie 45ème. La majorité du pétrole brut africain est exportée vers les raffineries européennes afin de satisfaire leurs besoins de consommation et ce sont les excédents de ces raffineries européennes qui sont réexportés vers les pays africains. Naturellement les prix des produits pétroliers raffinés ont un facteur au moins de x5 par rapport aux prix du pétrole brut. Ce qui explique pourquoi la quasi-totalité des pays africains ont une balance commerciale et une balance de paiement négatives.
Le FMI et la Banque mondiale ont été créés en 1944 afin de financer la reconstruction des pays après la 2ème guerre mondiale, promouvoir la coopération monétaire internationale et garantir la stabilité financière des pays membres. Tous les pays occidentaux ont des « fonds d’aide au développement » qui ont entre autres pour but d’aider les pays africains à se développer. Ma question est : Comment se fait-t-il donc qu’en 2021, soit plus de 60 ans après les indépendances, les pays du continent africain continuent d’exporter massivement leurs matières premières ? C’est tout simplement parce que les fonds de ces institutions ne sont pas orientés vers les secteurs ou vers des industries qui peuvent mettre les industries et l’économie occidentale en difficulté. Pourquoi voulez-vous que les fonds d’aide au développement de la France, l’Espagne, l’Allemagne, du Royaume-Uni, etc. financent la construction d’une raffinerie au Nigéria, en Angola, au Cameroun ou en Côte d’Ivoire alors que ses propres raffineries (en France, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, etc.) ont besoin de ce pétrole brut africain ? Le président français, le premier ministre espagnol, la chancelière allemande ou le premier ministre britannique ne sont pas élus par les peuples africains et par conséquent ne sont pas là pour défendre les intérêts des africains. C’est aux leaders politiques et présidents africains de défendre les intérêts de leurs peuples.
Le FMI, la Banque Mondiale et les « fonds d’aide au développement « des pays occidentaux sont là pour financer quelques écoles, des dispensaires, des routes, les terminaux portuaires, les plantations de café, cacao, hévéa, coton, construire les pipelines pétroliers, des chemins de fer, quelques puits d’eau, l’achat d’un avion présidentiel, financer les budgets de fonctionnement des états, etc. dans le but de maintenir un volume et une qualité des matières premières qui seront ensuite exportées vers les usines occidentales et maintenant vers des usines chinoises.
Sur le plan de la formation, les écoles d’ingénierie de la Norvège (5,5 millions d’habitants) et du Danemark (5,8 millions d’habitants) produisent chaque année, plus d’ingénieurs pétrochimistes que l’ensemble des pays africains réunis en dehors de l’Afrique du Sud et de l’Algérie. Ce qui démontre bien que les universités africaines offrent des formations qui ne sont pas adaptées aux besoins de la mise en œuvre d’une stratégie de développement économique.
Enfin, l’Afrique a besoin de 2 choses pour réussir :
Les problèmes de financement des projets, de corruption, de justice, de guerre, de génocide, etc. qui existent malheureusement trop souvent en Afrique, viennent du fait que ces 2 facteurs sont souvent absents en Afrique. La Chine comme les quatre dragons asiatiques (la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan) nous démontrent chaque année que la course vers le développement n’est pas une course de vitesse mais une course de fond. Mais avant de se lancer dans la course, il faut avoir un guide qui sait où on va et malheureusement en Afrique beaucoup de guides ne savent pas où ils vont.
Par Romuald Ntennou
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