Au pied du mont Fako, le plus haut sommet d’Afrique centrale, s’élève une autre montagne, invisible mais bien réelle. Elle n’est faite ni de roches ni de volcans, mais d’idées, d’énergie et d’audace. On l’appelle la Silicon Mountain. Dans la petite ville universitaire de Buea, un écosystème technologique unique en Afrique centrale s’est bâti, à force de créativité et de résilience. Tout a commencé par l’université, qui forme chaque année des centaines d’étudiants brillants en informatique et en ingénierie. Très vite, ces jeunes ont refusé de se contenter d’attendre un emploi hypothétique : ils ont décidé de créer. Avec leurs ordinateurs portables, un accès internet parfois capricieux et une foi immense en leur avenir, ils ont fondé leurs propres start-ups. Des incubateurs comme ActivSpaces leur ont ouvert des portes, leur offrant un lieu pour coder, échanger et rêver ensemble. Peu à peu, le mouvement a pris forme : hackathons, conférences, applications lancées, premiers investisseurs séduits. Ainsi, Buea est devenue plus qu’une ville universitaire : une véritable terre d’innovation, reconnue dans toute la région.
Ce qui frappe dans la Silicon Mountain, c’est son esprit d’ouverture. Certes, l’histoire s’est écrite au Cameroun, mais les connexions dépassent les frontières. Chaque année, la conférence SMConf attire des développeurs et des entrepreneurs venus du Nigeria, du Ghana, du Kenya, parfois même d’Europe. On y partage des idées, on y tisse des alliances, on y imagine des solutions africaines aux défis africains. Ici, personne n’est étranger : les jeunes diplômés camerounais côtoient des stagiaires venus d’autres pays et, ensemble, ils créent des applications pour l’éducation, des solutions de paiement adaptées aux réalités locales ou encore des plateformes destinées à moderniser l’agriculture. Le rêve n’est pas de copier la Silicon Valley, mais de construire un modèle original, enraciné dans le continent. Pour les jeunes diplômés, la Silicon Mountain constitue ainsi un tremplin : certains y trouvent leur premier emploi, d’autres s’y lancent comme entrepreneurs. Beaucoup découvrent qu’ils n’ont pas besoin de quitter leur pays pour innover, car l’opportunité est déjà là, à portée de main. Bien sûr, les défis demeurent : financement, infrastructures, reconnaissance institutionnelle. Mais malgré ces obstacles, une certitude s’impose : l’avenir peut s’écrire ici.
La force de la Silicon Mountain réside dans sa résilience. Malgré les crises économiques, malgré les coupures d’électricité et la lenteur d’internet, l’écosystème grandit. Il attire des regards extérieurs, séduit des investisseurs, inspire des jeunes qui se disaient que « réussir » signifiait forcément partir ailleurs.
Le mont Cameroun, avec ses pentes abruptes, rappelle que chaque sommet demande des efforts. Les jeunes de Buea le savent mieux que quiconque. Mais ils savent aussi que de l’autre côté de la montagne, le paysage est grandiose. Et c’est avec cette conviction qu’ils codent, qu’ils inventent, qu’ils osent.
La Silicon Mountain n’est pas seulement un lieu. C’est un état d’esprit. C’est la preuve que, même dans un coin souvent oublié des grandes cartes de l’innovation, une génération peut bâtir un futur. Un futur qui ne se rêve pas seulement : il se programme, ligne après ligne.
Retrouvez l’ensemble de nos articles Africa Tech