La gouvernance surpasse la taille : le nouveau paradigme de l’investissement en Afrique

La gouvernance surpasse la taille : le nouveau paradigme de l’investissement en Afrique

12 novembre 2025

Dans le classement des destinations africaines les plus sûres pour investir en 2025, une surprise de taille bouleverse les certitudes établies. Maurice, la Tanzanie et le Botswana s’imposent comme le trio de tête, reléguant les géants économiques que sont le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Égypte bien plus bas. Ce renversement, révélé par le Global Investment Risk and Resilience Index publié le 21 octobre 2025 par le cabinet danois Symphobia Partners, invite à repenser la notion même d’attractivité financière en Afrique. Il dessine un nouveau paysage où ce n’est plus la taille du marché qui rassure les capitaux, mais la prévisibilité et la robustesse institutionnelle.

L’indice, qui évalue 226 pays selon 13 indicateurs mêlant risques géopolitiques, économiques et climatiques, place Maurice en 38ᵉ rang mondial, suivi de la Tanzanie (64ᵉ) et du Botswana (66ᵉ). Un trio inattendu qui révèle une transformation profonde : la performance ne se mesure plus à la seule taille du marché, mais à la qualité de la gouvernance. Maurice incarne cette réussite fondée sur une stabilité fiscale attractive et des décennies de réformes progressives, tandis que le Botswana démontre qu’une croissance démographique maîtrisée et un climat d’affaires propice compensent une économie de taille modeste. À l’inverse, le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Égypte, malgré leur marché intérieur de plus de 100 millions d’habitants et leur poids géopolitique majeur, peinent à séduire les investisseurs, révélant que la taille ne garantit plus la confiance dans un contexte où la stabilité institutionnelle prime sur les promesses de croissance.

Les failles des géants économiques

L’échec relatif des grandes économies africaines s’explique par des fragilités structurelles qui érodent la confiance des marchés internationaux. Les investisseurs exigent aujourd’hui une stabilité politique durable, une transparence fiscale constante et une protection juridique effective. Or, les transitions de pouvoir souvent conflictuelles, les changements réglementaires imprévisibles et l’absence de recours légaux fiables découragent les engagements à long terme. À cela s’ajoutent des vulnérabilités économiques majeures : l’Égypte croule sous une dette publique dépassant 90% de son PIB, le Nigeria a connu plusieurs dévaluations successives de sa monnaie, tandis que l’Afrique du Sud subit les tristement célèbres coupures électriques chroniques qui ont fait chuter le rand de plus de 100% face au dollar depuis 2010. Les infrastructures défaillantes alourdissent considérablement les coûts opérationnels, avec des réseaux de transport inadéquats, des ports engorgés et une électricité intermittente qui rendent de nombreux secteurs moins compétitifs. La corruption endémique agit comme une taxe invisible qui pèse sur toute l’économie, tandis que les procédures administratives opaques créent des surcoûts importants. Cette instabilité chronique favorise une vision court-termiste préjudiciable au développement et décourage les talents internationaux qui hésitent à s’installer dans ces zones à risque.

La stabilité comme nouvelle monnaie d’influence

Ce classement consacre une vérité longtemps négligée : un PIB élevé ne suffit plus à inspirer confiance. Les investisseurs cherchent des environnements où les règles sont claires, où l’analyse des risques s’appuie sur des données fiables, et où les décisions gouvernementales ne bouleversent pas brutalement le paysage économique. Ce changement de paradigme redéfinit la compétition entre États africains. Un petit pays peut désormais rivaliser avec des nations beaucoup plus peuplées, à condition de se distinguer par la rigueur de sa gouvernance et la stabilité de son environnement juridique.

Maurice, la Tanzanie et le Botswana montrent qu’un territoire bien gouverné peut intégrer les chaînes régionales de valeur et attirer des flux d’investissement pérennes. Cette évolution devrait stimuler une course vers le haut en Afrique. À l’inverse, les grands marchés devront s’attaquer aux racines structurelles de leur instabilité pour reconquérir la confiance perdue. Le message aux décideurs africains est clair : plutôt que de courir après une croissance démographique débridée ou des mégaprojets spectaculaires, ils gagneraient à consolider leurs fondations institutionnelles, à renforcer l’état de droit et à garantir une prévisibilité fiscale sur le long terme.

Pour les géants comme le Nigeria, l’Égypte ou l’Afrique du Sud, le défi est désormais de transformer leur potentiel économique en stabilité durable. Tant que ces pays ne parviendront pas à rassurer les investisseurs sur leur capacité à maintenir des règles du jeu claires et justes, ils resteront en retrait face à leurs plus petits voisins. Dans ce nouveau paradigme africain, la stabilité devient la véritable monnaie d’influence, surpassant la simple puissance démographique ou économique.

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