Interview de Sandra BERETE « J’aime aussi beaucoup le glamour hollywoodien »

Interview de Sandra BERETE « J’aime aussi beaucoup le glamour hollywoodien »

15 février 2022


Photos © Sandra Berete
Sandra BERETE, Artiste de haute joaillerie

Introduction – Issue du milieu de l’art contemporain, l’artiste de haute joaillerie Sandra BERETE nous livre les contours de sa profession où se mêlent exigence et une quête sans relâche de la perfection.


Africa CEO: Pouvez-vous nous présenter votre parcours, ce qui vous a conduit à faire de la haute joaillerie votre métier et quelles sont les exigences inhérentes à ce métier?

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Bague Pharaona

Sandra Berete: C’est par le biais de l’art contemporain et du cristal que je suis arrivée à la haute joaillerie. Née à Paris d’un père d’Afrique de l’Ouest et d’une mère caribéenne, j’ai fait une année d’hypokhâgne en Lettres Classiques au prestigieux lycée Victor Duruy à Paris situé dans le quartier des Ministères et des Ambassades après avoir obtenu un baccalauréat Lettres & Mathématiques avec mention, avec l’idée d’intégrer L’Ecole Normale Supérieure.

Dans la même période, j’ai découvert l’art contemporain grâce à des rencontres amicales, cet univers m’a immédiatement passionnée. J’ai commencé à travailler au sein de galeries et de fondations d’art contemporain. . Je prenais part à l’organisation des expositions et aux visites d’atelier, je recevais les collectionneurs.

De grands artistes m’ont encouragée pour que je saute le pas, étant pour eux de toute évidence moi-même artiste. Cependant, je ne me voyais pas intégrer les Beaux-Arts. Le destin a procédé d’une tout autre façon: Suite à la découverte d’une impressionnante sculpture taillée dans une masse de plexiglas par l’artiste d’avant-garde et alchimiste Henri Gargat , j’ai cherché à rencontrer ce plasticien de génie, sans savoir qu’il était aussi l’un des plus grands maîtres joailliers de la place Vendôme, fabricant d’automates extraordinaires et ami visionnaire du créateur de bijoux Jean Dinh Van.

C’est lui qui m’a confortée et donné le feu vert après avoir vu mes tout premiers prototypes conçus en rentrant d’une visite de cristallerie de Bohème, en République Tchèque. Quel est le lien, me direz-vous? J’ai réalisé par la suite que les pierres précieuses étaient des structures cristallines d’une grande beauté. Le maître Henri Gargat m’avait avertie que le cheminement serait difficile car historiquement la corporation de la haute joaillerie française était conservatrice et que le plus souvent c’était les États- Unis qui permettaient aux artistes innovants de vivre, que cela valait pour Jean Vendôme, considéré comme l’inventeur du bijou contemporain, comme pour lui. J’ai donc su très tôt quel était le premier marché vers lequel me tourner à l’export.

Par ailleurs, en tant que travailleur indépendant, il m’a fallu identifier le bon atelier pouvant réaliser une pièce de joaillerie artistique réunissant plusieurs savoir-faire; cela ne va pas de soi. De la patience et une bonne communication avec le chef d’atelier pour transmettre sa vision sont nécessaires.

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Crazy Love – photo © Philippe Schlienger

Africa CEO:Dans le taillage des pierres, pourriez-vous nous rappeler ce qu’est la French Touch, la particularité propre à la place Vendôme qui permet d’avoir des bijoux d’exception?

Sandra Berete:La fabrication des pièces de haute joaillerie au sein des ateliers de la Place Vendôme est d’une précision d’exécution tout à fait remarquable. Les pierres précieuses au cristal très pur sont parfaitement calibrées et peuvent ainsi être parfaitement serties. La haute joaillerie française était déjà mondialement connue dès le XVIIIe siècle, notamment grâce au développement de technique
de taille de pierres précieuses.

La France a la culture de l’excellence, les Meilleurs Ouvriers de France notamment perpétuent le rayonnement français en développement sans cesse les techniques lors de concours très prestigieux.

Africa CEO: Quelles sont vos sources d’inspirations et comment se répartissent vos produits dans les différents genres?

Sandra Berete: Etant issue d’une culture métissée, mes sources d’inspiration sont multiples. Mon leitmotiv est l’hommage à l’Art africain via l’Art Déco. Les fleurs exotiques sont un autre thème d’inspiration important, cet aspect de mon travail a été qualifié de « naturaliste ». Il y a certainement une nostalgie du Jardin d’Eden avant la chute d’Adam et Ève, une recherche esthétique de la magnificence de la Création de Dieu.

J’aime aussi beaucoup le glamour hollywoodien et les diamants qui y sont associés dans l’inconscient collectif concernant la culture américaine. Généralement, je crée des bagues ou des pendants d’oreille que je décline ensuite en parures ou demi-parures. Pour des commandes spéciales, je crée aussi des montres et des lunettes de haute joaillerie, ainsi que des collections spécifiques dédiées aux diamants d’investissement.

Africa CEO: La haute joaillerie reste très prisée par les acteurs de luxe, comment pouvez-vous expliquer un tel engouement?

Sandra Berete: La haute joaillerie est à la fois un objet précieux cumulant la valeur ajoutée d’une griffe, la valeur perçue de son esthétique et la valeur dite intrinsèque de la pièce de haute joaillerie liée à la valeur des pierres et du métal précieux. Actuellement, les pierres précieuses de grande qualité, non chauffées, avec un cristal pur, une belle couleur saturée bien répartie et d’un poids important sont très chères car elles se raréfient. De plus l’exploitation des mines a un coût considérable.

La haute joaillerie composée de pierres importantes certifiées est une valeur refuge, tout particulièrement dans des contextes de crise. Elle peut contribuer à diversifier son portefeuille en tant que placement alternatif. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les catalogues de ventes aux enchères.

Africa CEO: En tant qu’artiste de haute joaillerie, quelles sont les réelles mesures mises en place permettant d’assurer un véritable respect des standards de qualité et une réelle mise en place d’un code éthique?

Sandra Berete: Dans un souci de transparence, les ateliers de la Place Vendôme adhèrent à la certification RJC / Responsible Jewellery Council. Cette certification de bonne pratique permet de garantir les conditions d’extraction et de traçabilité. L’obtention de la certification suit un processus très strict, incluant un audit effectué par un organisme reconnu par le RJC tel que Bureau Veritas Certification.

La certification RJC rassure les consommateurs sur la démarche éthique et responsable des ateliers d’excellence qui souhaitent exercer leur métier d’art tout en respectant l’environnement et selon de bonnes pratiques de gestion.
Personnellement, je suis en contact avec des responsables de communautés de village en Afrique de l’Ouest pour comprendre et appréhender la production locale éthique et vertueuse des métaux précieux et pierres précieuses.

Africa CEO: La crise du coronavirus n’a pas épargné le secteur de la haute joaillerie. Pensez-vous un rebond possible à court et moyen-terme?

Sandra Berete: Il faut nuancer. Les grandes maisons de luxe ont un business model multi canal, leurs challenges
sont différents, elles doivent se pencher sur leurs réseaux de grossistes, de franchises, de détaillants et de boutiques en nom propre.

Mes créations sont habituellement vendues directement dans le cadre de foires et de présentations privées, ou lors de festivals de films dont les rituels de tapis rouge et de montées des marches sont très prisés par mes clients et collectionneurs. La crise du coronavirus a eu pour conséquence d’annuler de tels événements. En tant qu’artiste, je dois très certainement repenser ma communication digitale, ainsi que le marketing.

Cependant, il est frappant de voir à Paris, que la demande de produits de luxe/hyperluxe à très forte valeur ajoutée et personnalisés a augmenté de façon significative. Il y a donc de réelles opportunités pour les créateurs indépendants ayant développé un univers susceptible d’intéresser la clientèle « HNWI » et « U-INWI ».

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