En Turquie, la population se retrouve de plus en plus engloutie dans un tourbillon de dettes, en dépit des mesures gouvernementales visant à limiter l’accès au crédit. Alors que le pays est confronté à une inflation galopante, la dette accumulée sur les cartes de crédit des ménages continue d’escalader. Cette situation soulève une question critique : comment les citoyens peuvent-ils équilibrer leurs besoins financiers immédiats avec le risque croissant d’endettement ?
Selon l’Agence de régulation et de supervision bancaire (BDDK) basée à Istanbul, la dette totale des cartes de crédit a bondi de 119 % au cours des dix premiers mois de 2023, atteignant 991 milliards de livres turques, soit environ 31,5 milliards d’euros. Cette tendance à l’endettement est mise en lumière par l’émission de près de 12 millions de nouvelles cartes de crédit, portant le total à plus de 111 millions pour une population de 85 millions d’habitants.
La montée du crédit à la consommation en Turquie remonte aux années 2000, une période marquée par l’internationalisation de l’économie turque. Les entreprises locales ont alors réduit leur dépendance aux banques nationales en accédant à des financements étrangers, poussant ces dernières à se concentrer sur les dettes des ménages pour maintenir leur rentabilité. Cette orientation a été encouragée par le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, dans le but de stimuler la demande et de soutenir la croissance économique. Des mesures telles que la baisse des taux d’intérêt par la banque centrale, sous la pression du président Erdogan, et des politiques telles que l’augmentation des limites de crédit et la restructuration des prêts bancaires, ont été adoptées pour soutenir cette stratégie.
Cependant, cette politique a également exacerbé la dépendance des ménages au crédit à la consommation, en particulier dans un contexte d’inflation croissante. La dette des cartes de crédit, qui s’élevait à 118 milliards de livres turques en décembre 2019, a plus que quadruplé en trois ans. Malgré un virage vers une politique monétaire plus prudente avec la nouvelle administration économique dirigée par Hafize Gaye Erkan, gouverneure de la banque centrale, et le ministre des Finances Mehmet Simsek, la demande de crédit à la consommation reste élevée. Les efforts pour équilibrer le soutien à la sphère productive sans surstimuler l’économie se heurtent à la nécessité des ménages de recourir au crédit pour survivre financièrement, malgré des taux d’intérêt plus élevés.
L’urgence de subvenir aux besoins quotidiens dans un contexte d’inflation élevée pousse les ménages à utiliser les cartes de crédit comme une bouée de sauvetage financière temporaire. Cette approche, bien que nécessaire pour maintenir un niveau de vie stable, conduit souvent à une accumulation de dettes, particulièrement avec des taux d’intérêt élevés. Pour contrer ce cycle d’endettement, les citoyens doivent adopter une gestion financière prudente, en priorisant les dépenses essentielles et en évitant les achats impulsifs ou non essentiels. La planification budgétaire, l’épargne, même modeste, et la recherche d’alternatives moins coûteuses pour les biens et services peuvent aider à minimiser la dépendance au crédit.
Par ailleurs, il est impératif que les initiatives gouvernementales et les politiques financières soutiennent les citoyens dans cette période difficile. Des mesures telles que la création de programmes d’éducation financière, l’offre de solutions de crédit avec des taux d’intérêt plus bas pour les besoins essentiels, et le renforcement des filets de sécurité sociale peuvent jouer un rôle crucial.
Le gouvernement pourrait également envisager des subventions ciblées ou des aides directes pour les ménages les plus touchés par l’inflation. Ces efforts, conjugués à une stratégie économique globale visant à stabiliser l’économie et à contrôler l’inflation, peuvent aider à réduire la pression financière sur les citoyens et à prévenir une crise d’endettement à plus grande échelle.
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