Les pays de l’Afrique de l’Ouest notent un énorme manque à gagner de plusieurs milliards. Ce constat qui résulte de la faible transformation des produits agricoles traduit un véritable gâchis.
Ce sont des milliards de dollars qui échappent à la comptabilité des pays de l’Afrique de l’Ouest à l’issue des productions agricoles. « Dans les semaines qui suivent la récolte, l’Afrique subsaharienne perd à elle seule 20 millions de tonnes de nourriture par an, ce qui représente une valeur de plus de 4 milliards de dollars », révèle le Programme alimentaire mondial. Le manque de magasins appropriés de stockage, d’engins adéquats de transport et la faible capacité des usines à transformer les cultures en produits finis en sont les raisons.
Les mangues pourrissent sur place en Côte d’Ivoire, au Mali, en Guinée. Au Sénégal, l’oignon est mal conservé embaume désagréablement l’atmosphère. Au Bénin, les camions font perdre des quantités importantes de coton lors des transports des champs vers les usines d’égrenage. Les produits exportables issus des produits agricoles connaissent souvent des altérations majeures entre les champs et les lieux de vente. Pour juguler le double problème de stockage des produits agricole et de transformation, deux Sénégalaises ont mis en commun leurs intelligences. Ndéye Marie Aïda Ndiéguène est ingénieure en génie civil.
A la tête de l’entreprise Ecobuilders MS, elle construit des hangars de stockage écologiques qui gardent la fraîcheur de la terre pour assurer la conservation des récoltes. Aminata Sow Ndiaye est diplômée en agroalimentaire. Sa start-up Produits culinaires pour cuisine rapide (PCCR), est conçue pour transformer par semaine cinq tonnes d’oignon local. Le Sénégal cultive chaque année environ 450.000 tonnes d’oignons. Mais du fait de mauvaises conditions de conservation, il est obligé d’en importer d’Europe. En Côte d’Ivoire, la masse de mangues qui pourrit chaque année avoisine 100.000 tonnes. Le paradoxe, c’est le cas du Nigeria. Alors que le groupe Dangote peine en période de rareté à approvisionner son usine de transformation de tomate, créée à Kano en 2016, pour 20 millions de dollars, c’est environ 45 % de tomate récoltée par an qui sont enfouis dans le sol.
Dans les politiques de développement agricole, le maraîchage est souvent mal loti. Il n’est qu’un complément à des cultures plus rentables. Ce parent pauvre de l’agriculture manque de matériel de récolte, de stockage et de moyens de transport adéquat. Mais le nerf du problème se situe dans l’inadéquation entre l’offre et la demande : la surproduction saisonnière. « Les mangues, par exemple, on en trouve en abondance en mars et en avril. Tous les producteurs veulent alors les vendre au même moment. Finalement, une partie de la production est perdue. Quelques mois plus tard, les productions sont rares et chères, explique Pierre Ricau, analyste de marchés. Ces problématiques sont amplifiées par le fait que les producteurs tentent de vendre leur production au même endroit, au même moment. »
Cependant, les acteurs ne dorment pas sur leurs lauriers. Ils réfléchissent à de bons modèles de structuration. A Abidjan le groupement de femmes Gouro, une communauté de commerçantes originaires de l’Ouest de la Côte d’Ivoire, tiennent plusieurs marchés vivriers dans la capitale économique ivoirienne. Elles sont présentées comme un modèle de structuration pouvant contribuer à résoudre le problème de surproduction des cultures en contre-saison. « En fixant des quotas et des jours de livraison dans la semaine, ces femmes approvisionnent Abidjan en fruits et légumes toute l’année sans qu’il n’y ait trop de variations de prix et de cultures avariées. C’est un bel exemple d’entente entre les commerçantes urbaines et les productrices dans les milieux ruraux », estime l’économiste agricole. Elles sont à l’origine de la création de la Fédération nationale des coopératives de vivriers de Côte d’Ivoire, qui compte 36.000 membres pour 2.000 coopératives implantées dans 33 régions du pays.
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