Longtemps considéré comme un marché secondaire pour le commerce en ligne, l’Afrique s’affirme désormais comme l’un des espaces les plus prometteurs pour l’e-commerce mondial. Avec une population de plus de 1,4 milliard d’habitants, dont 60 % ont moins de 25 ans, et une pénétration rapide du mobile, le continent vit une transformation digitale sans précédent. Les pays les plus dynamiques, le Nigeria, le Kenya, l’Afrique du Sud, l’Égypte ou encore le Maroc, posent les bases d’un marché continental qui pourrait peser des centaines de milliards de dollars dans les années à venir.
La croissance de l’e-commerce africain repose sur trois piliers fondamentaux : une jeunesse urbaine et consommatrice, la diffusion massive du smartphone et l’essor du paiement mobile. Alors que l’accès aux ordinateurs reste limité, le mobile a ouvert la voie au commerce digital. Selon la GSMA, plus de 600 millions d’Africains utilisent déjà un téléphone mobile, et la connexion 4G – voire 5G dans certains pays – se développe rapidement. Cette nouvelle génération de consommateurs urbains recherche davantage de commodité, une plus grande diversité de produits et la possibilité de comparer les prix. Les plateformes de e-commerce répondent à ces attentes tout en s’adaptant aux contraintes locales : logistique complexe, faibles taux de bancarisation et manque d’adressage précis dans certaines villes.
Nigeria : Première économie du continent et pays le plus peuplé, le Nigeria est un pionnier de l’e-commerce africain. Avec des géants comme Jumia (souvent surnommé l’« Amazon africain ») et Konga, le marché nigérian est l’un des plus compétitifs. Le succès repose sur l’adoption massive du paiement mobile, mais aussi sur l’ingéniosité logistique, comme l’utilisation de motos-taxis pour les livraisons.
Kenya : Souvent cité comme le berceau de l’innovation digitale africaine grâce à M-Pesa, la solution de paiement mobile lancée dès 2007, le Kenya voit aujourd’hui émerger des plateformes e-commerce dynamiques comme Kilimall et Copia. Ces solutions visent à desservir non seulement les villes, mais aussi les zones rurales, grâce à des réseaux de points relais et à la possibilité de payer en espèces à la livraison.
Afrique du Sud : Plus mature, le marché sud-africain bénéficie d’infrastructures plus solides et d’un pouvoir d’achat plus élevé. Des acteurs comme Takealot, Makro et Superbalist dominent le secteur. Ici, le e-commerce se rapproche davantage des standards occidentaux, avec une logistique performante et des systèmes de paiement diversifiés.
Égypte et Maroc : Avec plus de 110 millions d’habitants et une forte urbanisation, l’Égypte constitue l’un des marchés les plus dynamiques d’Afrique du Nord. Souq (racheté par Amazon) et Jumia y ont une présence forte, tandis que l’essor des solutions de paiement en ligne, soutenu par les banques égyptiennes et le gouvernement, favorise l’accélération du secteur. De son côté, le Maroc, leader régional au Maghreb, bénéficie d’un taux de connexion Internet élevé et d’un secteur logistique en amélioration constante. Des plateformes comme Hmizate et Jumia Maroc y prospèrent, tandis que le paiement mobile gagne du terrain.
Le paiement mobile constitue le grand atout africain. Alors que le taux de bancarisation est souvent inférieur à 30 %, le mobile money a démocratisé l’accès aux transactions digitales. M-Pesa au Kenya, Orange Money en Afrique de l’Ouest ou MTN Mobile Money en Afrique centrale sont devenus des outils incontournables. En matière de logistique, les défis d’adressage et d’infrastructures routières poussent les acteurs à inventer des solutions originales. Des start-ups utilisent la géolocalisation GPS, des réseaux de petits commerçants comme points relais ou encore les motos-taxis pour garantir la livraison du dernier kilomètre. Contrairement aux géants internationaux, les marketplaces africaines s’adaptent aux réalités locales en proposant souvent le paiement à la livraison, des prix adaptés aux revenus et une offre centrée sur les produits du quotidien. L’écosystème bénéficie également du soutien institutionnel et privé croissant. Des hubs technologiques, incubateurs et programmes gouvernementaux favorisent l’essor du secteur. Des villes comme Nairobi, Lagos, Le Caire ou Casablanca deviennent de véritables pôles d’innovation.
Si le potentiel est colossal, l’e-commerce africain reste confronté à plusieurs défis : logistique coûteuse, méfiance des consommateurs envers les paiements en ligne, et régulations encore floues freinent parfois l’expansion. Pourtant, chaque contrainte devient une opportunité d’inventer de nouveaux modèles. En 2022, le marché du e-commerce africain était estimé à près de 40 milliards de dollars et pourrait dépasser les 75 milliards d’ici 2028, selon Statista. Ces perspectives placent l’Afrique comme l’un des prochains moteurs mondiaux de la croissance digitale.Conclusion
L’Afrique réinvente l’e-commerce à son image : pragmatique, mobile-first et résilient. Du Nigeria au Kenya, de l’Afrique du Sud au Maroc, chaque pays développe des solutions adaptées à ses contraintes, transformant les défis en leviers d’innovation. Plus qu’un simple marché émergent, l’Afrique devient une source d’inspiration mondiale, démontrant que l’avenir du commerce digital pourrait bien s’écrire depuis Lagos, Nairobi ou Casablanca.
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