Quand l’Afrique apprend à vieillir

Quand l’Afrique apprend à vieillir

2 septembre 2025

L’Afrique est souvent perçue comme un continent jeune, marqué par une démographie dynamique et un fort taux de natalité. Pourtant, un phénomène silencieux se produit : l’espérance de vie augmente progressivement. Selon l’Organisation mondiale de la santé, elle est passée de 50 ans en 2000 à plus de 62 ans en 2023 en Afrique subsaharienne, certains pays dépassant déjà les 70 ans. Cette transformation, fruit des progrès en santé publique, de l’amélioration de l’accès aux médicaments et des conditions de vie, pose une question cruciale : le continent est-il prêt à accompagner dignement ses aînés ? Jusqu’à récemment, le vieillissement n’était pas une priorité, les politiques publiques se concentrant sur la réduction de la mortalité infantile, la lutte contre les pandémies (VIH/Sida, paludisme, tuberculose) et l’amélioration des conditions sanitaires générales. Or, la baisse de la mortalité et la modernisation des systèmes de santé entraînent mécaniquement une augmentation du nombre de personnes âgées. D’ici 2050, le continent comptera près de 220 millions d’individus de plus de 60 ans, contre environ 74 millions aujourd’hui.

Un bouleversement démographique aux multiples défis

Cette évolution démographique exige une réflexion nouvelle. Vieillir ne se résume pas à l’allongement de la durée de vie : il faut assurer des conditions décentes, préserver la santé physique et mentale, et intégrer les personnes âgées dans le tissu social. Traditionnellement, leur prise en charge repose sur la famille élargie. Les aînés vivent souvent sous le même toit que leurs enfants et petits-enfants, bénéficiant d’une sécurité sociale informelle. Dans de nombreuses cultures, le respect dû aux anciens est profondément ancré : ils sont considérés comme gardiens de la mémoire, sages porteurs d’expérience et de conseils. Cependant, cette solidarité intergénérationnelle s’érode dans les grandes villes, où l’urbanisation, la migration et la précarité économique compliquent la cohabitation. De plus en plus d’aînés se retrouvent isolés, parfois sans ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins essentiels. Contrairement à l’Europe ou à l’Amérique du Nord, les structures spécialisées (maisons de retraite, centres de soins gériatriques, services à domicile) restent rares en Afrique. Quand elles existent, elles demeurent souvent réservées à une élite aisée en raison de coûts élevés. La majorité des pays africains ne disposent pas encore de politiques publiques solides ni de régimes de retraite généralisés. Des initiatives émergent néanmoins : l’Afrique du Sud a instauré une pension sociale universelle garantissant un revenu minimal aux personnes âgées ; au Kenya, des ONG développent des programmes de soins communautaires avec des bénévoles formés assurant une aide médicale et sociale à domicile ; au Ghana et au Nigeria, des centres communautaires voient progressivement le jour, favorisant socialisation et prévention de la dépendance.

Santé et prévention : un enjeu majeur

Le défi ne se limite pas à la question financière mais concerne aussi la santé. Les systèmes de santé africains, encore fragiles dans de nombreux pays, ne sont pas pleinement adaptés aux pathologies du vieillissement : hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires ou neurodégénératives. La prévention, l’accès régulier aux soins, la disponibilité des médicaments et la formation du personnel à la gériatrie constituent des priorités urgentes. La santé mentale des personnes âgées reste peu explorée. L’isolement, la perte de statut social et les difficultés économiques peuvent accentuer les risques de dépression ou de troubles cognitifs, souvent non diagnostiqués. Au-delà des infrastructures matérielles insuffisantes, une piste essentielle réside dans la valorisation du rôle des aînés au sein des communautés. En Afrique, contrairement à d’autres régions où la vieillesse est parfois perçue comme un fardeau, les anciens sont encore largement respectés et sollicités. Cette reconnaissance symbolique doit être renforcée par des actions concrètes : programmes de transmission des savoirs, meilleure intégration dans les décisions locales, initiatives intergénérationnelles contre l’isolement.

L’augmentation de la longévité en Afrique témoigne d’une victoire de la santé publique et du développement. Mais cette victoire s’accompagne de responsabilités nouvelles. États, communautés et familles doivent collaborer pour offrir aux personnes âgées non seulement des années supplémentaires, mais surtout des années vécues dans la dignité, la santé et la sérénité. Le défi est immense, mais il peut être relevé si la question du vieillissement devient dès aujourd’hui une priorité du développement durable du continent.

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